Eddy Weetaltuk
E9-422Un Inuit, de la toundra à la guerre de Corée
Récit
Editions Carnets Nord
18€ 383pages
Le livre
« Moi, Edouard Weetaltuk, je suis né dans la neige alors que ma mère coupait du bois pour tenir sa famille au chaud. Mes parents avaient l'habitude de venir à Strutton Island chaque printemps pour chasser la baleine arctique. C'est à ce moment que je suis venu au monde. » Eddy Weetaltuk
A sa naissance, en 1932, sur les bords de la Baie Saint-James, dans le Grand Nord canadien, le jeune esquimau (ce peuple ne s'appellera de nouveau « peuple Inuit », que dans les années 1950) reçoit un nom canadien, Eddy Weetaltuk, et une identification : E9-422. E pour esquimau, 9 pour sa communauté, 422 pour son classement dans la communauté.
Après de bonnes études dans une mission catholique, le jeune Eddy décide de « s'évader » de la communauté, de quitter cet enfermement auquel il se sait condamner. Cachant ses origines en se faisant passer pour un « Blanc », il devient bûcheron, puis réussit à s'engager dans l'armée canadienne sous une fausse identité.
Ce témoignage, écrit par Weetaltuk lui-même, raconte ce parcours : une autobiographie au ton simple, au style direct, qui nous fait découvrir de l'intérieur le regard d'un Inuit sur le monde qui l'entoure.
Vingt ans plus tard, Eddy Weetaltuk reprendra sa véritable identité et rejoindra son peuple. Il se mariera, aura des enfants. Il consacrera le reste de sa vie à lutter contre les méfaits de l'alcool et de la drogue qui ravagent la jeunesse inuite. Eddy Weetaltuk est mort le 2 mars 2005.
« J'espère que mon histoire aidera les jeunes à trouver l'inspiration et la force de conserver leur culture, c'est la seule façon de ne pas perdre son âme »
Ce récit très singulier est accompagné de notes explicatives sur la vie des Inuits, par Thibault Martin, spécialiste de l'histoire inuite et ami d'Eddy Weetaltuk.
Thibault Martin, ethnologue, sera en France pour servir la promotion du livre
L'auteur
Thibault Martin est né en 1963, à Castelnaudary, dans le Sud-ouest de la France. Passionné par le Grand-Nord et les Inuit il émigre au Canada à l'âge de 24 ans. Il vivra pendant plusieurs années dans différents villages autochtones (Inuit et Amérindiens) où il exercera différents métiers notamment celui d'enseignant. Lorsqu'il décide de retourner vivre dans le Sud, il entreprend des études à l'Université Laval (à Québec). Il obtient un doctorat en sociologie (2001) pour lequel il reçoit le Prix d'Excellence de la Faculté des sciences sociales (meilleure thèse de doctorat). Il est l'auteur de plusieurs articles et ouvrages sur les questions autochtones dont De la banquise au congélateur : mondialisation et culture au Nunavik (2003, publié par l'UNESCO en collaboration avec les Presses de l'Université Laval) primé par l'Association internationale des sociologues de langue française. Après avoir enseigné la sociologie des questions autochtones à l'University of Winnipeg, pendant quatre ans, il est aujourd'hui professeur de sociologie et Directeur du programme en études du développement à l'Université du Québec. Il continue à effectuer des recherches en terre inuit et dirige de nombreux étudiants de maîtrise et de doctorat auxquels il communique sa passion pour les études autochtones.
Rencontre avec EDDY WEETALTUK
Thibault Martin a rencontré Eddy Weetaltuk pour la première fois en 1996 alors qu'il effectuait des recherches dans le cadre de sa thèse de doctorat. Celle-ci portait sur le déplacement du village d'Eddy Weetaltuk, survenu dans le cadre d'un méga projet hydro-électrique (le projet de la Baie James). Eddy Weetaltuk étant un des leaders qui se battait pour limiter les impacts sociaux et environnementaux du projet, il devint très vite un informateur privilégié du jeune chercheur. À chacun de ses voyages, il venait lui rendre visite dans son nouveau village et les deux hommes passaient, à la manière des Inuit, des soirées entières à boire du thé en échangeant des histoires.
Plusieurs années plus tard, alors que Thibault Martin, enseignait à l'University of Winnipeg au Manitoba et n'avait pu retourner au Nunavik depuis quelques temps, il rencontre une amie d'Eddy Weetaltuk qui lui annonce qu'elle vient enfin de réussir à rapatrier le manuscrit que celui-ci avait écris pour raconter son expérience de la guerre de Corée. Étant donné la valeur anthropologique de ce récit il avait été déposé au Musée de la Civilisation du Canada, qui l'avait « égaré ». Eddy qui attend ce moment depuis des années retrouve une seconde jeunesse et, lui qui sait que son histoire est unique, veut faire éditer son manuscrit. Mais il a besoin qu'on l'aide à finaliser son texte, car aucun éditeur canadien ne veut le publier en l'état. Lorsqu'il entend l'histoire, Thibault Martin propose d'accompagner Eddy dans ce voyage d'écriture. Eddy est maintenant âgé, le corps usé par les nombreuses années de famine qu'il a connu durant son enfance ; il sent l'urgence et ne veut pas attendre trop longtemps avant de se mettre au travail, il décide donc de se rendre à Winnipeg (à près de 3000 km de son village). Cette fois c'est lui qui vient s'installer chez son ami et sa famille. Les deux hommes vont retravailler ensemble, page à page le texte, redonnant vie aux personnages étonnants et attachants qui ont marqué la vie du premier Inuit canadien à avoir été envoyé au champ de bataille. Au bout de quelques semaines, la révision du manuscrit est bien entamée. C'est bientôt le printemps et Eddy veut retourner chez lui pour assister au retour des oies sauvages, il est donc décidé que Thibault Martin finira seul le travail et fera parvenir à Eddy Weetaltuk les chapitres au fur et à mesure qu'ils seront terminés. Eddy Weetaltuk est décédé le 2 mars 2005, quatre jours après qu'il eut reçu le chapitre de conclusion.