Gilles Paris
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parution le vendredi 2 novembre 2007

Hervé Vilard

Le bal des papillons
Récit

Editions Fayard
19€ - 311 pages

Le livre

Eté 65. Avoir 19 ans sur la Croisette et au sommet du hit parade. 19 ans avec Johnny, Dalida, Christophe, Barbara... Hurler sa chanson au monde entier. Devenir vedette dans la frénésie des sixties. Et puis un soir de tournée à Verdun, retrouver sa mère dans une chambre d'hôtel sous l'objectif des photographes, piégé pour un scoop.
La gloire continue. Rue Nollet, dans le huit clos d'un meublé, une mère et un fils tentent de sceller leurs retrouvailles. Mais Marcelle Blanche Vilard a du vague à l'âme. Sous l'évier, les bouteilles de vins s'entassent.
Tournées folles au Liban, à Moscou, à Varsovie... Les foules sud-américaines acclament « El Diablito de Paris ». Partout il chante, avec Christophe l'ange blond, Cloclo l'idole inhumaine. Des corons du nord au Palais de l'impératrice d'Iran, de l'Israël de Moshé Dayan jusqu'au coeur de l'Espagne franquiste où un matin de Noël, parmi les gitans, Hervé Vilard découvre la révolte contre un monde envahi de soldats.
Mais à Paris, rien ne freine l'errance d'une mère. Les ombres bienveillantes de Dalida, Daniel Cordier, Nicoletta et des copains de nuits blanches traversent ce récit, pourtant « nul ne saura rien » de la tragédie secrète du narrateur. De ses amours clandestines. De sa mère en péril. Le succès s'enraye. Vaincue, démente, la mère met le feu à son immeuble. Procès, dégâts, amandes, millions, internement.
Pour le chanteur sonne alors l'heure de l'exil.
Paru en 2006, L'âme seule a été unanimement salué par la critique. Hervé Vilard y racontait son enfance berrichonne, de foyer en foyer, les grandes figures de sa jeunesse, et son arrivée à Paris à l'aube des années 60. Un récit littéraire qui embrassait la France des années De Gaule et qui s'est vendu à près de 100 000 exemplaires. Dans Le bal des Papillons, l'Ame seule, fils de personne, devient, en un été, un chanteur furieusement en vogue....

L'auteur

BIO HERVE VILARD PAR MICHEL VIAL
Hervé Vilard est né à Paris le 24 Juillet 1946, dans un taxi qui roulait en direction de l'Hôpital Saint Antoine. Sa mère, BlancheVillard, ouvreuse au Théâtre des Variétés, chantait aussi dans les rues en vendant des violettes et des partitions. « Ma mère est un personnage qui appartient à la légende des faubourgs de Paris » dit aujourd'hui d'elle son fils. Déchue de son droit maternel, elle dut laisser son fils confié à l'hospice parisien Saint Vincent de Paul où il devient le matricule « 764 » de l'Assistance Publique.
Moments difficiles d'une enfance particulière , « l'enfant des autres » est placé dans plusieurs familles paysannes du Berry avant de rencontrer un curé de campagne à l'ancienne, l'Abbé Angrand, qui l'encourage à s'en sortir et qui l'initie à la littérature.
Mais le gamin ne cesse de fuguer, il monte à Paris où il frôle la délinquance, pour tenter de retrouver sa mère. Il rencontre Daniel Cordier, secrétaire de Jean Moulin, Compagnon de la Libération, qui le sort définitivement de la DDASS en devenant son tuteur légal.
«Je serai chanteur ou rien d'autre» assure Hervé à son protecteur qui l'aide à trouver un emploi de disquaire sur les Champs Elysées. Il devient « disc jockey » - l'un des premiers « D.J.'s » - au Bus Palladium, il prend également des cours de chant, de danse et de comédie « Si le métier de chanter c'était uniquement enregistrer des disques, je ne le ferais pas. Je voudrais devenir un artiste complet. Cela demande des années. » déclare-t-il dans un entretien au magazine « Nous les garçons et les filles » en Octobre 1966.
Dès sa première audition, Louis Hazan, le directeur des disques Philips l'engage et il signe, à dix-sept ans, un premier contrat de cinq ans sur le label Mercury.
En Novembre 1964, il enregistre son premier quarante cinq tours avec notamment
« Je veux chanter ce soir » et un titre prédestiné « Une voix qui t'appelle », mais le disque n'obtiendra qu'un succès d'estime : douze mille vendus seulement, dont sept mille à la discothèque de l'aéroport d'Orly achetés par son jeune animateur et fan, Jacques Morali, qui deviendra son secrétaire et quinze ans plus tard, l'un des futurs papes du Disco aux Etats Unis du disco aux Etats Unis.
Ses parrains de métier, grâce à la SACEM, s'appellent Dalida et Maurice Chevalier. Dalida, dont il fut un fan précoce, lui donnera un coup de pouce décisif pour le départ de sa carrière. Maurice Chevalier, qu'il rencontrera à Rio de Janeiro, lui prodiguera des conseils qu'il écoutera avec admiration et respect . Venu du jazz, Jacques Denjean dirige ses orchestrations et bien qu'autodidacte, Hervé commence à écrire ses premières chansons, musiques et textes. Sur son deuxième quarante cinq tours, publié en Mai 1965, il enregistre la version française de « Il Mondo » de l'Italien Jimmy Fontana qu'il a rencontré au
Festival de San Remo et surtout l'une de ses compositions originales, écrites à la machine avec deux doigts, « Capri c'est fini », afin de prouver à son tuteur sa détermination et pour le remercier de lui avoir tendu la main.
Le succès est foudroyant, l'été 1965
demeurera à jamais marqué par cette chanson et par l'éclosion de deux jeunes artistes, rivaux pour
la galerie médiatique et copains dans la vie : Hervé Vilard et Christophe. Trois millions de copies de ce disque sont vendues en quatre mois et le monde entier veut connaître l'auteur compositeur de la chanson que l'on fredonne du bassin méditerranéen à l'Australie, mais aussi en Russie, en Espagne et au Japon . Une chanson qui, à ce jour, s'est vendue à plus de douze millions d'exemplaires.
A dix neuf ans, l'orphelin devient riche et célèbre.
Il n'en continue pas moins d'écrire tout en recherchant la collaboration d'auteurs compositeurs.
Ainsi de sa rencontre avec Danyel Gérard et Ralph Bernet naîtront «Fais la rire» et «Mourir ou vivre», deux titres de 1966 qu'il chante encore aujourd'hui.
Hervé engage des musiciens venus du jazz – certains ont même accompagné Count Basie et il part en tournée, au printemps de 1966, avec Michèle Torr et Christophe.
Plus de quatre-vingts concerts dans toute la France dont «Salut les Copains» rend un compte enthousiaste dans son numéro de Juin 1966 : « une forêt de mains qui se tendent vers Christophe et Hervé, un tapis de roses pour Michèle, c'est la récompense quotidienne d'un travail formidable.»
Les filles craquent donc à la fois sur la blondeur sensuelle de Christophe, sur la longue mèche noire d'Hervé et les garçons s'enflamment pour le charme juvénile de Michèle.
Consacré « idole des jeunes », il cultive son côté romantique et entame une série de spectacles internationaux qui vont le conduire en Grèce et en Turquie d'abord.
A Capri, il est fait citoyen d'honneur de l'île au cours d'un voyage qui ressemble à celui d'un
chef d'Etat. L'Espagne lui offre un pont d'or. D'ailleurs il enregistre en espagnol, et il fait un malheur dans les arènes d'Alicante et de Séville, puis à Madrid.
En 1967, il rencontre Jacques Revaux qui compose pour lui « Comme d'habitude », mais il cède la chanson à Claude François.
A la place, il chante « Sayonara », destinée à Mireille Mathieu, il emmène ce titre au Japon où il effectue trois tournées.
On le retient dans ce pays pour cause de triomphe, même s'il ne s'y sent pas trop à l'aise.
Il part tenter sa chance au Mexique, puis au Brésil. Ses fans français commencent à déplorer ses absences répétées tandis qu'il est acclamé par quarante mille personnes au stade Maracana de Rio. « T'es beau, riche et célèbre « Tiens bon ton talent et continue d'apprendre » lui déclare, tout à trac, Jacques Brel venu en spectateur ce soir là.
De fait, la France semble le négliger et devant l'incroyable succès de cette tournée sud américaine, il s'installe à Buenos Aires, où il chantera pendant quinze jours devant vingt-mille personnes en semaine, et quatre-vingt mille le week end. A Monterey, pour ses adieux au public sud américain, il se produira devant deux-cent cinquante mille personnes et dans le public de son récital d'Acapulco s'est glissé un certain Elvis Presley...
En cinq ans, il enregistre sept albums trente-trois tours qui font de lui une vedette incontournable dans toute l'Amérique Latine.
Il a gardé un souvenir chaleureux de ces années là quand il était surnommé « El Diablito de Paris » à Mexico, « Pivé » (Gavroche) à Buenos Aires, « Idolo de la Juventud » à Santiago du Chili.
Années de formation au rythme de voyages en caravane avec des musiciens qui lui ont vraiment appris son métier.
Mais ses musiciens, français, commencent à ressentir le mal du pays et ils décident de rentrer.
Hervé engage alors des musiciens sud américains qui l'accompagnent notamment à Miami, au célèbre « Caesar Palace » de Las Vegas et dans divers festivals, avec des chansons comme « Ya Para Que » (Il y aura quoi) et surtout « Yo Tengo Penas » (J'ai trop de peine), un titre français écrit avec
Danyel Gérard et devenu un tango argentin
Plus vrai que nature (plus d'un million de disques vendus). Après le refus de Philips de l'engager comme son directeur artistique, Hervé profite de la fin de son contrat pour suivre Jacques Revaux chez Trema, un nouveau label qu'il vient de créer avec Régis Talar et dont Hervé signe le premier contrat pour tous les territoires de langue française.
Pour son arrivée dans la firme, Revaux lui offre «Les Anges du matin » et « On laisse toujours quelqu'un derrière soi ».
Lucio Battisti, qui assurait la première partie de son concert d'adieux à Monterey, fut tellement stupéfié par la performance du chanteur français qu'il lui compose «Il mio canto libero » (Ma chanson de liberté). Mais la France n'adhère pas complètement. Battisti surenchérit avec « Amore caro, amore bello », un vrai tube qui permet à Hervé de renouer enfin avec le succès français et il double la mise avec un titre de Domenico Modugno qui deviendra « Pour toi ce n'était rien »
Il se rapproche de la France, il passe enfin à l'Olympia en vedette, américaine :
Il assure la première partie du récital de Dalida en Janvier 1974. Et pour se ré acclimater à son pays, il effectue trois tournées comme vedette américaine de Michel Sardou. En 1976, pour des oeuvres de charité, il retourne une dernière fois au théâtre « Bellas Artes » de Mexico et au théâtre « Collon » de Buenos Aires, mais il tourne bel et bien une page de sa carrière.
Adieu les suites, les limousines, les avions en première et les lunettes noires, Hervé a le sentiment de devoir repartir à zéro. Dans l'avion de son retour définitif en France, il écrit « Rêveries ». Pour l'album «La génération de mauvaise réputation » paru en 1977 chez Trema qui ne reçoit qu'un accueil moyen malgré des critiques favorables, les thèmes ont évolué, l'inspiration est plus mûre et les textes sont plus écrits, témoin cet hommage à Fitzcarraldo avec « Le bateau sur la montagne».
Mais seul le titre « Rêveries » se détache pour faire un succès. L'Italie et les Italiens ont toujours aimé Hervé Vilard qui le leur rend bien, d'autant plus aisément qu'il se sent avant tout un latin. Avant de faire l'artiste, le jeune disquaire de « Sinfonia » avait découvert avec ravissement l'art italien, en même temps que Mozart, Schubert, Ravel, Miles Davis, Antonio Carlos Jobim et tant d'autres.
C'est précisément sur les Champs Elysées, devant l'immeuble qui abrita autrefois « Sinfonia » que Hervé rencontre par hasard Toto Cutugno qui lui reproche en souriant de chanter les Fontana, Modugno et Battisti mais pas lui ! Qu'à cela ne tienne, la conversation se prolonge et les deux artistes prennent rendez vous à Milan.
“Ma mère fera les pâtes !” promet Toto.
De cette nouvelle complicité sortiront « Nous » (deux millions d'exemplaires vendus en
1978), « Reviens », « Je l'aime tant », « Venise pour l'éternité » et même celle que la critique italienne avait sévèrement rejetée lors d'un Festival de San Remo, intitulée « L'Italiano »
et qui deviendra en français « Méditerranéenne ».
Claude Lemesle rejoint l'équipe de ses auteurs. Les années quatre-vingts marquent le retour en force d'Hervé Vilard qu'une génération nouvelle découvre sans savoir que « Capri c'est fini », c'était lui, déjà.
Il signe l'Olympia en vedette pour la première fois. A la fin des années soixante, Bruno Coquatrix le lui avait déjà proposé, mais Hervé ne se sentait pas prêt et l'avait refusé.
Dès lors, il devient un habitué de la salle prestigieuse du boulevard des Capucines où il chante en 1980, 1981, 1982, 1983 et 1984.
Louis Aragon vient l'applaudir et Marguerite Duras lui envoie des lettres admiratives, telle celle ci postée de Rhodes « Je ne peux m'empêcher de penser à vous. Continuez à être vous même. »
En 1984, comme une déclaration d'amour à son métier et à tous ceux qui le font, Hervé enregistre « Les chansons que j'aime... », « Des chansons dans nos coeurs et dans nos souvenirs » écrit-il au verso de la pochette. Certaines qu'il aurait peut-être aimé créer, ainsi « Les paradis perdus » du copain de ses débuts Christophe et « Tous les bateaux, tous les oiseaux » de Michel Polnareff.
A la fin des années quatre-vingts et à la disparition de l'Abbé Angrand, son père spirituel et bienfaiteur, Hervé rachète le presbytère attaché à la meilleure partie de son enfance chaotique. C'est là, dans le pays du Grand Meaulnes près de Saint Amand Montrond, qu'il s'installe définitivement pour puiser son énergie, se ressourcer et trouver la sérénité.
Sa carrière est désormais bien assise. Il chante alors en moyenne entre cent et cent-vingts jours par an, un peu moins aujourd'hui. Avec le seul désir que le public sorte heureux de ses spectacles.
En 1992, il passe pour la première fois au Théâtre des Variétés que vient de racheter Jean-Paul Belmondo. Un très beau théâtre à l'italienne pour se sentir comme un personnage de la Commedia dell'Arte. Il reprend pour la première fois “L'écharpe” de Maurice Fanon. Dans « Le Parisien » du 9 Janvier, il réaffirme son amour de la scène. «Tino Rossi m'avait conseillé ‘prends l'idée du charme et du merveilleux et tu iras loin'.
Si je disparais de la scène, je ne m'accrocherai pas aux ventes de disques que j'ai faites. »
Il revient à l'Olympia en 1996 pour célébrer, un peu en avance, ses cinquante ans dont trente de chansons. Il confie quelques uns de ses « trucs » à « Libération » le 2 Juin. «
Avant d'entrer en scène, je me mets derrière le rideau, j'écoute. J'attends qu'ils s'énervent : c'est très difficile de rentrer à froid... »
En 1998, il se produit « seul en piste » au Cirque d'Hiver où il fait salle comble pendant dix jours.
Il interprète « Le petit bonheur » de Félix Leclerc et « La mère à Titi » de Renaud.
« Je chanterai des choses plus graves...quand j'aurai des rides » déclarait Hervé à « France Soir » au début des années soixante dix. Une idée précoce qu'il a toujours gardée dans un coin de sa tête et qu'il a tenté, à plusieurs reprises, de réaliser, avec des chansons comme « L'amour défendu », qui traite du SIDA, en 1990.
Au seuil des années 2000, Hervé estime le moment venu de chercher dans la mémoire de son adolescence les textes qui lui donnaient envie d'entrer dans le métier du music hall, en les adaptant naturellement à l'homme qu'il est devenu. L'artiste épris très jeune de littérature, de poésie, de musique et de peinture, cultivait ce projet précis depuis plus de quinze ans.
L'album « Cri du coeur » publié en Février 2004 et les six semaines de récital au Théâtre de Dix Heures entre le 3 Février et le 21 Mars 2004, concrétisent et subliment ce voeu intime.
De fait, en se servant de son expérience vécue pour faire partager ses élans adolescents vers la chanson à texte, Hervé Vilard semble être enfin devenu ce qu'il était au fond de lui même :
un chanteur populaire et fier de l'être, qui fait découvrir à son public un autre univers que celui de ses succès passés.
Et le public suit, intrigué et conquis par la face inconnue de son chanteur, empreinte de lucidité et d'autodérision dans une ambiance feutrée de cabaret.
Né dans ce métier, Hervé chante et chantera jusqu'au bout.
A ce jour, il a vendu plus de quarante millions de disques mais le plus important pour lui, éternel adolescent dans le coeur des Français, est d'ouvrir son coeur au public et de vivre, parfois jusqu'aux larmes, l'émotion d'un moment partagé avec lui.
« Le public m'a toujours porté avec amour et il m'a protégé » - m'affirmait-il le 10 Mars 2004 pour le journal télévisé de France 3. « J'ai toujours été sincère avec lui. J'ai fait mon métier comme une espèce d'animal, à l'instinct, mais toujours avec l'envie de faire plaisir et du mieux possible pour qu'on ne m'abandonne pas une seconde fois. »
Michel VIAL